Voici une seconde publication inédite qui porte sur le cinéma primitif. Il est consacré au burlesque américain et s’intitule « Mack Sennett ou la vérité frivole – le réalisme burlesque et la justice du happy end » Mack Sennett ou la vérité frivole.
Voici le début de l’article :
» Résumé : la frivolité apparente des films burlesques de Mack Sennett ne doit pas empêcher d’en apprécier toute la portée politique et morale. Par un style propre, Sennett fonde un genre à part entière qui se distingue par son rythme et ses happy ends. Ces deux composantes permettent d’exprimer une sensibilité aux changements de l’époque et le projet d’une société plus juste, bien loin d’être des raccourcis narratifs ou des réflexes de mise en scène.
Mack Sennett découvre véritablement le cinéma lors de son arrivée aux USA, au moment où il rêve encore d’un succès théâtral. D’abord simple figurant, il rencontre Griffith auprès duquel il se familiarise avec la réalisation mais il aspire très rapidement à un style un peu moins « sérieux ». C’est ainsi que d’essais en succès, il fonde la Keystone, bientôt surnommée « L’usine du rire américain ». Il réalise ou supervise ainsi 4000 films de 1911 à 1935, entouré d’une armée d’employés qui se plient au « style Sennett ».
C’est bien d’un style dont on peut en effet parler bien que la légèreté et la popularité du burlesque ait pu souvent conduire à négliger la créativité et la force de ses œuvres. Ce que fonde en réalité Sennett, c’est le slapstick, ou burlesque, comme un genre absolument cinématographique qui profite des intuitions de ce pionnier quant aux pouvoirs d’expression d’un art naissant. Le slapstick de Sennett, c’est avant le récit du chaos et de l’enchevêtrement frénétique des personnages et des évènements. Mais ce faisant, Sennett dit aussi les changements d’une époque et en quoi on peut vouloir changer l’ordre en place. Le slapstick, loin d’être un divertissement sans conséquence, est un lieu d’observation de la société en transformation dont il traduit les rythmes et les contradictions.
Le chaos de ces films n’est pas seulement l’expression d’une société qui change mais aussi d’un désordre qu’on veut y introduire. Le slapstick est aussi un lieu de contestation où les rythmes sont accentués en vue d’être modifiés. Par cette frénésie, Sennett rêve une société plus juste et plus humaine. On ne doit pas perdre de vue que Sennett est d’origine modeste et qu’il a bien connu les difficultés de l’immigration et de la pauvreté. Il est donc particulièrement sensible aux disparités et aux paradoxes d’une morale qui ne profite qu’à un petit nombre, bien que le burlesque semble le plus léger de tous les genres. Imaginer et rêver une autre société où les bonheurs et les peines seraient proportionnés aux mérites, c’est aussi ce que permet ce nouvel art. Telles sont les prétentions d’un rythme et des happy ends propres à ces films. »