Critique du formalisme moral et juridique selon Hegel

Les principes de la philosophie du droit.

hegel

 La définition courante du droit, c’est selon Littré : « Ensemble des règles qui régissent la conduite de l’homme en société », c’est-à-dire l’ensemble des règles qui permettent de vivre ensemble. En cela ces règles renvoient nécessairement à une certaine universalité puisqu’elles permettent la vie en commun. Il faut qu’au moins la plupart d’entre elles vaillent pour tous. Ce serait là le premier critère d’un « formalisme » reconnu de la plupart: le critère d’égalité, ou d’universalité.

De même, on imagine mal les lois se contredire entre elles, sous peine de ne plus rien valoir. Ainsi, pour nous, les lois doivent répondre aux exigences de la Constitution pour valoir comme loi.

Ces deux définitions sont en fait reprises par Kant pour mettre en place sa « Morale » qu’on nomme aussi le « formalisme ». En effet, le droit est défini comme « l’ensemble des conditions sous lesquelles l’arbitre de l’un peut être uni à l’arbitre de l’autre selon une loi universelle de la liberté » (DD, intro, B) et les lois ne sont des lois qu’en tant qu’elles s’expriment sous forme d’obligations pour tous. La totalité de ces lois forment la Morale, comportant l’éthique et le droit. Le formalisme, c’est donc l’attention à la forme de la loi pour qu’elle s’intègre bien à l’édifice moral.

Le formalisme est donc une garantie logique, autrement dit il offre un critère visible de ce qui est moral ou non, c’est-à-dire éthique ou non, ou juste ou non. Il empêcherait l’anarchie de lois contradictoires, changées chaque jour selon les envies d’un tyran. Cependant, si beaucoup de droits semblent ainsi conçus, on ne peut dire qu’ils échappent à des reproches d’injustice ou à des évolutions historiques qui les rendent relatifs, en même temps que les critères formalistes. Plus encore, certains droits sont formellement parfaits (Kelsen) et conduisent à un mal politique (ex les droits fascistes, nazis et russe). Kelsen identifie droit et politique « Tout Etat est un Etat de droit » et le critère du droit, c’est la conformité d’une loi aux procédures constitutionnelles d’une nation.

Cette difficulté est redoublée par les différences nationales : des droits nationaux distincts bien que formellement justes entre en rivalité et se concurrencent, se dépréciant mutuellement. On en vient alors à penser que le formalisme, censé garantir des excès, y contribue au contraire.

D’où une première question posée radicalement : Le formalisme juridique favorise-t-il le mal politique ? Et plus encore : le formalisme éthico-juridique crée-t-il son propre mal politique ?

On peut facilement objecter à cette méfiance que c’est parce que certaines lois sont apparemment bien faites sans l’être vraiment qu’elles conduisent au pire. Il y aurait donc une forme d’apparence formelle sans véritable formalisme derrière (on retrouve là différents sens du mot « formel » : d’un côté l’illusion ; de l’autre la rigueur). A cela on peut ajouter qu’on a besoin dans toutes sociétés de  lois pour être libre (même les société sans Etat, comme celle de Clastres). Or Kelsen nous certifie que le droit fasciste était formellement parfait. D’où la question : quel formalisme adopter pour échapper au mal politique ?

 

Conférence de décembre 2015 au lycée Daniélou de Rueil-Malmaison en deux parties:

 

Textes

Plan de la conférence et extraits de films:

 

Introduction 

– Un point de départ doxique et kantien

– Premiers paradoxe et problématique

Le formalisme juridique favorise-t-il le mal politique ? (I)

Le formalisme éthico-juridique crée-t-il son propre mal politique ? (I’)

– Deuxièmes paradoxe et problématiques

Quel formalisme adopter pour échapper au mal politique ? (II)

– Troisièmes paradoxe et problématique

Le formalisme légal s’accompagne-t-il nécessairement d’un mal ? (III)

 

– thèses de Hegel:

  • On doit élargir le sens du droit et s’obliger à parler en même temps d’éthique et de politique.
  • Ce faisant, on comprendra par la critique du formalisme qu’il faut nécessairement en passer par le mal éthico-politique pour bâtir un droit plus parfait…
  • … et voir alors apparaître les premières conditions d’un formalisme rationnel. Autrement dit, il ne s’agit en rien de renoncer à la loi et à sa forme, mais d’échapper au mal du formalisme abstrait.

 

I. Rappels sur la Morale kantienne.          

1) primauté de la question morale

2) le formalisme est nécessaire à l’établissement des lois morales. Texte 1.

3) primat déontologique

4) La morale embrasse l’éthique et le droit en un même impératif formel

Extrait 1 de film :  Danton 1983 : Wajda, Wojciech Pszoniak joue Robespierre 42’00 à 46’ qui veut la perfection

 

II. Nécessité du moment subjectif du Droit (l’autonomie).         

II.1.  Réinterpréter le concept de Droit à l’aune de la contradiction propre à la volonté. Textes 2 et 3.

II.2. Nécessité du moment du moment subjectif du droit (« Le projet et la faute » et « L’intention et le bonheur moral »). Texte 4.

III. La contradiction interne au « formalisme abstrait » ou le mal comme négativité 

III.1. Eloge de Kant. Texte 5.

Extrait 2 de film : La révolution française 1989 : Robert Enrico, Andrey Seweryn joue Robespierre ;  1h15 à 1h18 : se rend compte qu’il faut la Terreur car l’homme est faillible !

 

III. 2. Les ravages du formalisme abstrait. Textes 6 à 13.

Extrait 3 de film : Danton : 2H07 à la fin : la mort de Danton, le désespoir de Robespierre qui s’aperçoit de sa folie ; la récitation de la Déclaration des droits de l’homme

 

IV. En conclusion : esquisse d’un « formalisme concret »